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Vif (38)

Localisation

Région : Rhône-Alpes

Département : Isère

Commune : Vif

Rivière : Gresse

 

Type d'ouvrage : Pont

Période : XV - XVIIIème siècles

38-vif-0001.jpg

datation : XVe - XVIIIe siècle

type IVA3a ou  IVA3b

hauteur totale, 42 cm

diamètre, 17 cm

poids, 26,4 kg

Note sur la commune de Vif

         Des pieux ferrés ont été retirés du lit de la Gresse, juste à quelques mètres en amont du pont actuel, en février 1978, lors d'un curage du lit du torrent par une pelle mécanique. Seul un pieu et son sabot est conservé à la mairie de cette commune, les autres ayant disparu. Un article à propos de ce pont a été écrit (FAURE. 1978) précisant que la Gresse est aujourd'hui un torrent canalisé par de solides digues. Cela n'a toujours pas été le cas dans le passé. Elle a causé de nombreuses avaries aux habitants de Vif par ses débordements dans la vallée. Les moyens de communication rendus particulièrement difficiles par les divagations de la Gresse dans le passé, ont vu probablement de nombreuses fois la réfection du pont de Vif. Ce moyen de communication entre la commune de Vif et de Varces, devait être une nécessité à certaines périodes de crue, notamment pour acheminer les lourdes marchandises. D'ailleurs le texte dit "qu'à la suite de nombreuses inondations désastreuses vers le milieu du XVIIème siècle, il était devenu rapidement intolérable pour la population de contourner le bourg par la plaine de Reymure, et qu'il fallait construire un pont sur la Gresse. En fait, il aura fallu attendre plus d'un demi-siècle, après que le lit mineur de la Gresse se soit déplacé, pour que l'Intendant de la Province décide d'allouer des crédits nécessaires afin de construire un pont. L'adjudication ayant été publiée suivant l'usage, en 1710, il ne restait plus qu'à choisir le lieu du futur pont de bois. Celui-ci se situa entre le domaine de Mademoiselle de la Gache et du clos des Ursulines[1]. Le pont, une fois achevé, avait l'allure suivante : il était en bois composé de 3 arches de hauteur comprise entre 7 et 9 pieds (un devis est conservé aux Archives Départementales). Des éperons placés en amont des piles, allaient protéger de sûrcroit l'ouvrage contre les innombrables crues à venir. De chaque côté un garde-fou bordait le tablier." Une fois construit, les effets immédiats sur la vie quotidienne se font sentir. La plaine de Reymure est de nouveau désertée au profit du nouveau passage le long de la colline d'Uriol[2]. Le pont a très certainement disparu prématurément après une crue. En tous cas, il est remplacé en 1832  par l'ouvrage de pierre actuel.38-vif-2011-g-reverdy-1.jpg

         Le pieu restant a été soumis à une datation par la méthode dendrochronologique[3] en mars 1996. L'analyse donne une proposition de datation de 1482. "Le pont n'est représenté ici que par un seul pieu de châtaignier comportant 71 cernes, sans aubier visible. La croissance de cet arbre a été testée sur tous les étalons régionaux susceptibles d'être utilisés pour l'est de la France. Un seul résultat, par lui-même, fournit une probabilité de réussite élevée. Il s'agit de 1487 sur l'étalon de la Meuse en données standardisées. Cette corrélation n'est étayée que par une redondance sur le même étalon. Un résultat élevé sur un étalon éloigné qui ne se répète pas sur les autres étalons est en réalité très peu significatif. Il indique que les 71 cernes utilisés ne sont pas suffisants pour affirmer qu'il n'existe qu'une seule combinaison leur correspondant sur tous ces étalons. À l'inverse, pour la date de 1482 il y a une convergence de résultats, une majorité d'étalons et de formes de calcul "proposent" cette date mais avec des probabilités de réussite meilleure que celle de 1487. Les résultats ne permettent pas d'aboutir à la datation. Cette situation est entièrement due au décalage de représentativité entre les étalons régionaux et la croissance d'un seul individu constitué de 71 cernes. Elle ne peut trouver de solution que dans l'augmentation du nombre d'échantillons ... En conséquence le résultat de 1482 est une hypothèse, il ne peut être directement utilisé, il doit être étayé par d'autres observations. Il n'infirme donc pas la proposition du XVIIIe siècle qui avait été avancée."[4]

         Peut-on voir ici un pont bien avant celui de 1710 ? Ou faudrait-il voir plutôt une période de réfection ou de reconstruction de ce pont en cette date de 1710. Peut-être restait-il les pieux des chevalets du précédent pont et qu'ils auraient tout simplement reconstruit un tablier. La discussion reste ouverte.

         Le sabot est le premier à avoir bénéficié d'une analyse métallographique (ces résultats sont inédits).

         "Ces analyses[5] ont  été réalisées par microsonde électronique, technique permettant la caractérisation élémentaire de matériaux (analyses qualitatives et quantitatives). Cette technique permet l'analyse de tous les éléments chimiques à partir du Bore et la limite de détection est de l'ordre de 0,5 % en masse.

Les analyses ont porté sur 6 échantillons de matière prélevée sur le sabot de la façon suivante :

    - 2 échantillons sur les branches,

    - 2 échantillons sur la culasse,

    - 2 échantillons sur les clous de fixation.

Concernant les deux premiers types d'échantillons, ceux-ci ont été prélevés sur les parties non visibles du sabot après l'avoir ôté du pieu.

Résultats des analyses qualitatives :

•   Composition des branches

     Les 2 analyses ont révélé la présence de fer en quantité majoritaire et également des éléments mineurs présents à l'état de traces : manganèse, calcium, aluminium, silicium.

•   Composition de la culasse

     Contrairement aux branches, la culasse ne contient pas d'éléments minoritaires à l'état de traces et est donc principalement constituée de fer.

•   Composition des clous

     Les analyses ont été réalisées sur deux types d'échantillons - clou recouvert de sa couche d'oxyde et clou dégagé de sa couche d'oxyde.

     Dans le premier cas, les analyses ont permis la mise en évidence de fer et de quelques traces de cuivre, soufre et calcium.

     Dans le cas de l'échantillon décapé, les analyses ne font plus apparaître que du fer et des traces de cuivre.

     Il semble donc que le fer et le cuivre soient les composants propres du matériau et que les éléments soufre et calcium soient plutôt contenus dans les oxydes de surface.

Résultats des analyses quantitatives :

•   Composition des branches et de la culasse

     Les répartitions massiques et atomiques de chaque élément analysé sont les suivantes :mono-fig-496.jpg

•   Composition des clous

     Les résultats obtenus pour ces deux types d'échantillons sont résumés dans les tableaux suivants :mono-fig-497-498.jpg

 

En résumé, à quoi peut servir une pareille analyse ?

         Une analyse comme celle-ci, peut s'avérer utile lorsque l'on entreprend une datation des pieux par la dendrochronologie. Prenons le cas d'une analyse dendrochronologique où il y aurait une difficulté pour réaliser le rattachement des courbes de chacun des pieux sur l'étalon dendrochronologique.

         Lorsque l'on donne des échantillons de bois à analyser, le dendrochronologue demande généralement la datation  attendue de l'ouvrage, ceci pour lui éviter de perdre du temps à rechercher sur l'étalon la période supposée (gain de temps).

         Lorsque cela n'est pas possible, deux cas peuvent se présenter. Dans le premier cas, les pieux forment un lot homogène. La recherche de corrélation, entre la courbe relative du lot et de l'étalon dendrochronologique, ne sera pas très longue pour un dendrochronologue expérimenté. Dans le deuxième cas, le plus intéressant, les pieux forment un lot hétérogène. La recherche de corrélation entre les courbes relatives d'une part et d'autre part avec l'étalon, va s'avérer plus difficile, voire impossible dans certain cas. C'est dans ce cas, que l'intérêt de faire une analyse métallographique de chacun des sabots devient déterminante. Si l'on a un lot de pieux ferré non homogène, dû essentiellement à de nombreux remaniement d'un ouvrage (période de reconstruction ou de réfection), l'analyse métallographique des sabots permet de partager le lot en différents groupes. Une fois partagé, ce lot qui n'était pas homogène au début le devient peu à peu. Cela peut permettre, non seulement de rendre la recherche dendrochronologique plus facile, mais aussi de localiser les périodes de réfection ou de reconstruction d'un ouvrage lorsque l'on a une histoire d'une grande complexité.


[1] En amont du pont en pierre actuel.

[2] Actuel RN 75.

[3] Travaux effectués par  le laboratoire de Chrono-Écologie, E.R. 35 du C.R.A.-C.N.R.S., UFR des Sciences et Techniques, 16 route de Gray, 25030 Besançon cedex.

[4] Texte d'analyse écrit par Olivier Girardclos (étudiant doctorat) au laboratoire de Chrono-Écologie, E.R. 35 du C.R.A.-C.N.R.S., UFR des Sciences et Techniques, 16 route de Gray, 25030 Besançon cedex.

[5] Travaux effectués par le laboratoire de Microanalyses Nucléaires, UFR des Sciences et Techniques, 16 route de Gray, 25030 Besançon cedex.